Patagonia, la marque californienne de vêtements outdoor, a menacé le président Donald Trump d’une action en justice. Les raisons de la colère ? Un décret de l’administration Trumps visant à réduire de 85% la taille du Bears Ears National Monument et de 45% celle du Grand Staircase-Escalante National Monument. Ces deux espaces naturels protégés de l’Utah, respectivement crées sous la présidence de Barack Obama et de Bill Clinton, se retrouvent aujourd’hui grandement menacés.
Aux côtés des manifestants, des associations de défenses et des tribus amérindiennes s’opposant farouchement à ce décret, d’autres voix se lèvent, notamment celle de la marque Patagonia qui a travers sa présidente, Rose Marcario, indique : « Dans l’histoire américaine, il s’agit de la plus grande atteinte à des espaces protégés. Nous nous sommes toujours battus pour les protéger depuis la création de notre entreprise et nous poursuivrons désormais ce combat devant les tribunaux.»
En attendant, la marque à dors et déjà lancé une pétition en ligne et faute d’accord avec le gouverneur de l’Utah à propos de la marche à suivre, a boycotté le grand salon de l’outdoor organisé chaque année dans cet état de l’ouest américain.
Mais que se cache t-il derrière Patagonia ? Cette marque, qui accentue chaque année davantage son implication dans la préservation de l’environnement et agissant en faveur d’une consommation responsable, est-elle à placer en dehors de tous soupçons ?
Patagonia : l’histoire d’une marque « verte »
Créée en 1972 par Yvon Chouinard en Californie, Patagonia est une marque de vêtements outdoor. Axée dans un premier temps sur les équipements d’alpinisme, Patagonia se diversifie rapidement en proposant des articles de montagne et de surf.
Dès les années 1980, la marque s’engage en faveur de la protection de la nature et lance sa première campagne environnementale soutenant la désurbanisation de la vallée de Yosemite en Californie. Puis les actions s’enchainent : création d’un programme d’étude d’impact écologique de ses produits, abandon du coton traditionnel au profit d’un coton 100% bio, mise au point d’un polyester recyclé… avant d’aboutir en 1986 à une jolie décision : reverser 10% de ses bénéfices à des associations de protection de l’environnement. Ces 10% sont rapidement transformés en 1% mais la marque fait vite oublier cette baisse en créant l’association « 1% for the planet », regroupant plus de 1000 entreprises désireuses de la suivre dans son action.
Particulièrement attentive à la qualité de ses produits et à leur durée de vie, la marque va même aujourd’hui jusqu’à organiser des ateliers de couture pour inciter ses clients à réparer leurs vêtements. En effet, en 2013, Patagonia décide de lancer le « Worn Wear Program », une tournée sillonnant l’Europe et proposant à chacun de venir réparer ses vêtements à bord d’un petit camion et ce quelle que soit la marque.
Patagonia va même plus loin et propose désormais la Garantie Absolue Patagonia, permettant à tous ses clients d’échanger gratuitement leurs anciens produits ou de les faire réparer si cela est possible.
L’objectif de toutes ces actions ? Protéger l’environnement et venir à bout du gaspillage. Patagonia serait-elle donc en marge des autres marques adeptes de la fast-fashion et des collections jetables ? Nous sommes en droit de nous poser la question, notamment quand on s’attarde sur cette (anti)-publicité parue dans le New York Times en Novembre 2011 à l’occasion du Black Friday. En dessous de son slogan à contre-courant « N’achetez pas cette veste », Patagonia insiste sur le coût environnemental vertigineux qu’engendre la création de ses produits et tente ainsi de diriger son public vers une consommation durable et réfléchie.
Mais là nous avons besoin d’une pause. Qu’une marque s’engage en faveur de l’environnement, soit, mais qu’une marque nous décourage d’acheter ses produits dans le but de protéger l’environnement, nous n’en revenons pas et trouvons cela miraculeux. Miraculeux…
En attendant les miracles…
Considérée comme une marque pionnière en matière d’éthique écologique, Patagonia n’en reste pas moins une marque et une entreprise, dont le but est de générer du profit.
S’il est vrai que pour la marque la nature ne doit pas être victime de son activité, alors qui en paye le prix ? Le consommateur pardi ! Ravi d’avoir déboursé 300€ dans une doudoune recyclable et réparable mais à l’heure actuelle toujours fabriquée dans des pays en voie de développement.
Les secrets de la marque ? Communication et greenwashing. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la recette fonctionne. En 2012, suite au coup de génie publicitaire « N’achetez pas cette veste », l’entreprise réalise un chiffre d’affaire de 540 millions de dollars, contre 414 millions de dollars l’année précédente. Une hausse qui nous fait douter du caractère dissuasif et de l’objectif réel et premier de cette campagne éco-responsable.
Rien ne semble arrêter Patagonia qui, en 2015, explose un nouveau record avec un chiffre d’affaire de 750 millions de dollars… Tout cela vaut bien 1% pour la planète, non ?